Marraine de Femmes en Scènes 2024

Eva Rami

© Valentin Perrin

Très jeune, je souhaitais avoir une grosse poitrine et beaucoup d’enfants. Adolescente, voyant que mes seins n’atteindraient pas la taille escomptée, ces désirs se sont transformés en peurs. Peur de ne pas être désirable, peur de ne pas être comme les autres, peur d’être rejetée, peur de ne pas avoir d’enfants… d’où une grande difficulté à devenir « femme ».Trente ans plus tard, même si je sais qu’une femme est bien plus qu’une paire de seins ou qu’une génitrice, les stéréotypes ont la vie dure ! Aujourd’hui, Nous savons toutes et tous que le combat pour les dépasser, pour se faire entendre et pour s’émanciper n’est toujours pas acquis. Je suis convaincue que l’art est le meilleur des alliés pour défendre le droit des femmes. En ce qui me concerne, le théâtre m’a permis de m’épanouir, de me sentir plus forte, plus libre et surtout de m’aimer telle que je suis. Cette discipline artistique qui rassemble, qui élève, celles et ceux sur scène comme le public, soignant les maux par les mots, par le corps et la voix, m’a sauvée. Sur scène, je peux avoir cette poitrine opulente, être mère, présidente, amante, veuve, meurtrière, reine, sirène ou toutes ces femmes à la fois. A chaque nouveau spectacle, je peux changer d’âge, de genre, de religions, d’origines, de classe sociale, d’époque.
Je peux hurler, on m’écoute.
Je peux pleurer, on m’écoute.
Je peux rire fort, on m’écoute.
Parfois même, on m’entend ! 

L’art en général et plus particulièrement ce festival « Femmes en Scènes » qui porte bien son nom, donne la parole et leur place à des comédiennes, des auteures, des danseuses, des chanteuses, des musiciennes, des plasticiennes, des marionnettistes… À travers des femmes, connues ou non, venant de différents horizons artistiques, ce festival met en lumière toutes les femmes meurtries, maltraitées, opprimées, humiliées, abusées, abîmées mais aussi les amoureuses, les passionnées, les délurées, les allumées, les héroïnes, les combattantes, les guerrières. Toutes celles qui nous font rire, pleurer, rêver, qui luttent ou meurent parfois, pour faire entendre leur voix/e et leurs droits. 
J’avais tout juste vingt ans quand Françoise Nahon m’a donné l’opportunité d’éprouver et d’expérimenter mon premier seule-en-scène en tant que comédienne pour l’inauguration de la deuxième édition du festival. Je servais alors des mots qui n’étaient pas encore les miens. Cinq ans plus tard, je suis revenue, mais cette fois-ci avec mes propres mots en tant qu’auteure et interprète. Comment ne pas évoquer à ce propos Ophélie Longuet avec qui j’ai partagé l’inauguration du festival cette année-là. Je pense toujours très fort à elle. 
La confiance et la bienveillance de Françoise Nahon m’ont donné le courage en 2018 d’inaugurer une troisième fois ce festival au Théâtre National de Nice. Elle est donc à l’origine de la création de mon second seule-en-scène. Cette année, notre histoire commune continue et je suis très touchée et honorée d’être à ses côtés en tant que Marraine pour cet évènement qu’elle porte à bout de bras depuis quinze ans.
Je souhaite à toutes les artistes qui vont se produire dans cette édition 2024 et à l’ensemble des personnes présentes, d’éprouver autant de plaisir et d’amour que j’ai pu en ressentir chaque fois.
Vive le théâtre et vive les femmes !


Eva Rami